Bohemia : Quintettes à vent de Janacek, Haas, Zemlinsky et Foerster. Quintette Alcega.

Les premières compositions connues pour quintette à vent (flûte, hautbois, clarinette, cor et basson) sont celle de Rössler-Rosetti (quintette en mib : 1788) et les trois quintettes concertants de Cambini édités en 1802. Développé par Danzi qui en écrit neuf, c’est Reicha qui lui donne ses lettres de noblesse avec ses 24 compositions. Genre délaissé au milieu du 19ème au profit du quatuor à cordes et de la place grandissante des vents dans l’orchestre symphonique, il renaît à la fin du 19ème/début 20ème grâce à la création par le flûtiste français Paul Taffanel de la Société de musique de chambre pour instruments à vent en 1879, période à laquelle appartiennent les œuvres tchèques du présent CD. Leurs esthétiques respectives en sont proches : plein romantisme pour Foerster, post romantisme pour … l’inclassable Janacek et pour Haas, au demeurant élève et épigone du précédent – les trois profondément inspirées du folklore de leur région d’origine. Le quintette Alcega joue magnifiquement l’extraordinaire musique de« Mladi » (« jeunesse » en tchèque) composée par un Janacek de 70 ans où une clarinette basse s’ajoute à la formation classique du quintette à vent. Que de rebondissements en si peu de temps et quel bonheur dans leur agencement : soubresauts et ruptures rythmiques, alternance de moments d’exubérance juvénile, d’épisodes d’une poésie infinie et d’interrogations mystérieuses, aspect burlesque de la marche du final entonnée par la flûte piccolo. De même pour le quintette op.10 de Pavel Haas, belle découverte avec ses moments de recueillement intense (« preghieria »), de folie carnavalesque (« ballo eccentrico ») et son final qui clôt l’ensemble – épilogue d’une comedia dell’Arte en miniature. La dithyrambe englobe aussi le quintette de Foerster, rendu dans ce que sa musique, dans la lignée directe de Smetana, Fibich et Dvorak, a de plus jubilatoire et emblématique de sa Bohême natale : veine mélodique inépuisable, rythmes de danses, mais aussi harmonies wagnériennes dans les mouvements lents, combinaisons de timbres d’une diversité confondante. Une prise de son tout en finesse, sans réverbération excessive, individualisant chaque instrument avec peut-être un cor un peu trop présent : un CD exceptionnel par la cohérence et l’intérêt de son programme, l’excellence de l’interprétation, la pertinence de l’enregistrement. (Pascal Bouret)