Fortuna desperata : Musique pour orgue gothique et de la Renaissance. Mothes, Heller, Beilschmidt.

Ce Cd est lié à une entreprise originale : sa vente concourt à la poursuite de la construction de l’orgue entièrement neuf sur lequel il est enregistré. Il s’agit d’un instrument singulier, conçu sur la base de traités anciens et dédié à l’interprétation exclusive des répertoires de l’époque gothique et Renaissance. Est proposée ici une anthologie de pièces des XIVe, XVe et XVIe siècles écrites pour la plupart sous forme de tablature. Extraites de codex du XVe siècle, d’Orgelbücher divers (recueils anciens compilant des œuvres de différents compositeurs), elles renvoient à une gamme de « genres » assez représentative : pages sur telle ou telle partie de la messe (avec chant alterné pour certaines d’entre elles), redeuntes (compositions fondées sur une note unique et inspirées par le son des cloches, dont elles sont d’ailleurs accompagnées), chansons, préludes (preambulum) et, pour la partie la plus tardive (2e moitié du XVIe), chorals. Ce programme est très intelligemment conçu : pour parer au risque de dispersion, il invite l’auditeur à confronter plusieurs « élaborations » dues à divers compositeurs d’une même chanson (La Fortuna desperata qui donne son titre au CD) ou d’un même choral (Christ ist erstanden). Il y a évidemment une part de reconstitution et d’improvisation dans l’interprétation d’un tel répertoire, et D. Beilschmidt nous livre de ce point de vue un résultat tout à fait digne d’éloges et enthousiasmant. Le jeu témoigne d’un bout à l’autre d’une grande compréhension, et d’une pénétration profonde, fine et subtile de ces répertoires différents. Et l’instrument est admirablement mis en valeur. La voix de C. Mothes est idéale ici. (Bertrand Abraham)