Albert Roussel : Les deux sonates pour piano et violon. Durantel, Dehaene.

Le déshonneur d’un Roussel négligé n’est que celui actuel de ses compatriotes. D’abord marin comme Jean Cras d’avoir lu Jules Verne (puis un peu voyageur à la Pierre Loti), il se perfectionna à Roubaix… avec le grand-père d’Henri Dutilleux ! Vincent d’Indy le prit sous son aile, dans cette fameuse Schola Cantorum dont lui-même devint professeur rigoureux de contrepoint (avec pour élèves Satie, Le Flem, et jusqu’à Edgard Varèse). Sévère pour lui-même, il détruisit sa première sonate violon-piano (crée avec Blanche Selva au clavier), et corrigea l’ici donc première officielle (dédiée à d’Indy) vingt ans plus tard, suite à une longue période loin de la musique de chambre. Extrêmement ramassée, la dernière (dédiée à Ropartz) dure moitié moins (un quart d’heure). Mais surtout, ces sonates sont inhabituellement indiquées pour piano et violon, ce qui souligne l’importance égale des deux parties. On y retrouve le génie propre à un esprit indépendant, étranger à toute autopromotion, d’un anticonformisme harmonique parfois taxé de raideur, aux fréquentes audaces rythmiques, dont réserve et pudeur écartaient toute tentation d’épanchement sentimental. Loin du pittoresque et du folklorisme d’un certain ”impressionnisme”, et où le volute mélodique se plie volontiers aux impératifs de la construction. Cette logique musicale mena le dernier Roussel jusqu’à un certain néoclassicisme. Tout cela, les présents interprètes nous le font parfaitement sentir, ayant saisi l’essence même d’une musique de chambre aujourd’hui passablement ignorée de nos jeunes musiciens (hormis le quatuor à cordes, et encore). Seul regret, ce disque est d’une durée bien courte, qui aurait pu nous faire entendre (voire redécouvrir ?) davantage de Roussel dans d’autres configurations instrumentales. (Gilles-Daniel Percet)