Burkhard : Oratorios. Das Gesicht Jesajas, Das Jahr. Koch.

Willy Burkhard est né près de Berne en Suisse. Il y fait ses études musicales puis les poursuit à Leipzig aux côtés de Karg Elert et Max d’Ollone à Paris. Il fut professeur de composition au conservatoire à Berne et à Zurich à partir de 1942. Comme beaucoup de ses compatriotes il reflète le double héritage culturel de la Suisse, la conception musicale germanique (Schönberg) et la sensualité de l’orchestration française (Debussy, Ravel). Burkhard a édifié une œuvre très abondante, généralement inspirée par le sentiment religieux. À son désir de régénérer la musique liturgique, à son respect pour la musique chorale ancienne, pour Bach, sont venues s’ajouter, à un certain stade de son évolution, les influences des modernes : Hindemith, Bartók, Honegger et Stravinski. Ses compositions comprennent notamment des oratorios (la Vision d’Isaïe, 1933-1935 ; l’Année, 1940-41), des cantates, un opéra (l’Araignée noire, 1948, rév. 1954), des symphonies et pièces pour orchestre, des œuvres pour orgue, pour piano, diverses pièces instrumentales, de la musique de chambre et des mélodies. Les deux oratorios présentés ici sont de conception différente, l’un s’inspire de la Bible, l’autre est un hymne à la nature. La structure de « Das Jahr » (l’année) est composée de récitatifs, d’airs et d’entracte musicaux tout à fait dans la lignée des oratorios de Haydn. Cette contemplation panthéiste et imagée qui décrit chaque saison de l’année se partage entre trois solistes, un grand chœur, un chœur d’enfants et même un piano qui renforce une orchestration déjà copieuse. La vision « d’Isaïe » est divisée en sept parties chorales suivies d’un chœur. Si les chorals cimentent l’édifice, ils distinguent aussi le contenu religieux de chaque séquence. L’œuvre est complexe et ne se laisse pas apprivoiser dès la première écoute. Portée par un véritable souffle spirituel, elle dégage une sorte d’aura romantique dans la lignée brucknérienne. Comme l’indique la notice des CD, le compositeur emprunte une multiplicité de styles pour arriver à ses fins. D’un passage de grégorien (introduction de Isaïe), en passant par « … la polyphonie Bachienne (sic), la fonction harmonique de la fin du XIX ème, la technique des dissonances depuis Max Reger, la bi et la polytonalité, et le dodécaphonisme. » L’ensemble peut sembler à l’écoute hétérogène et emphatique mais ce foisonnement révèle la véritable dimension rhapsodique et polymorphe de cette musique. La direction volontaire et efficace d’Aloys Koch s’efforce de restituer toute la force de ces partitions.
(Jérôme Angouillant)