Hindemith : Das Marienleben. Boog, Lakner.

Das Marienleben est un cycle de poèmes de Rainer Maria Rilke que Paul Hindemith mis en musique en deux temps, création en 1923 à l’âge de 27 ans (l’époque du blasphématoire Sancta Suzanna et de la Kammermusik n°1) puis une version finalisée en 1948. Entretemps l’enfant terrible s’est assagi et même radouci, puisant chez Rilke des sentiments inédits : empathie et compassion. Cycle de lieder pour piano et soprano qui nous brosse en quinze tableaux l’histoire de la Vierge Marie, mère de Jésus. Le cycle suit un plan tonal assez fidèle traversé de quelques fragments dissonants. L’écriture d’Hindemith, limpide et serrée, fait entrelacer voix et piano dans un discours jamais redondant, s’accordant bien avec la narration d’une austérité didactique, à la fois familière et grave du poète. La voix de Marie, ange ou oiseau, s’envole et se pose sur les ramifications labyrinthiques du piano qui a la tâche difficile de poser le décor. Matière ardue et poreuse, cimentée par une polyphonie à la fois d’une liberté inouïe et très strictement maitrisée. Ce langage néo-baroque qui emploie fugue ostinato et passacaille fait respirer la pâte musicale, lui apportant toujours goût et saveur. Maya Boog possède une voix ronde et épanouie, elle a l’amplitude nécessaire pour convaincre et l’articulation qu’il faut pour nous dépeindre chaque événement. Accompagnateur réactif, le pianiste Michael Lakner effectue un parcours sans faute. Il épouse sa partenaire grâce à des qualités semblables : projection, énonciation, limpidité. En vrai : un lyrisme passionné. (Jérôme Angouillant)