Lalo, Magnard, Ravel : Sonates pour violoncelle et piano. Rundberg, Radutiu.

La flamboyance de la « Symphonie Espagnole » et la grandeur épique du « Roi d’Ys » continuent d’occulter la valeur indiscutable de la musique de chambre de Lalo. Sa sonate pour violoncelle et piano (1856) composée plus de quinze avant la première de Saint-Saëns en égale la vivacité, la profondeur, la beauté du chant. Cette œuvre annonce également la première de Brahms par son caractère sombre, sa nature introspective et le tempo modéré de son premier mouvement. Digne d’éloges, elle ne sera pourtant créée que vingt-deux ans plus tard. La superficialité du public provoqua l’absence de musique de chambre dans la production de Lalo durant les deux décennies suivantes ! Née dans un contexte autrement plus favorable, la sonate de Magnard (1910) vient brillamment illustrer cet âge d’or de la musique de chambre française dont la floraison de chefs d’œuvre depuis 1871 a définitivement renouvelé la perception et le statut. On y entend s’approcher le crépuscule d’une époque et celui d’un compositeur dont l’avant-dernière œuvre montre toute la maturité et la pleine possession des moyens. Moins solaire, moins ardente que dans sa version originale, la sonate de Ravel contraste néanmoins avec les atmosphères tourmentées ou élégiaques précédentes. L’identité des interprètes, caractérisée aussi bien par la passion que le sens des nuances, ne pâlit aucunement devant ces changements de paysages et de lumière. (Pascal Edeline)