Myra Hess : Live à l’Université de l’Illinois, 1949.

Dame Myra Hess qui s’illustra par son courage lors du Blitz en restant plus d’une fois à son piano alors que les bombes pleuvaient, tenant son public captif, fut une immense pianiste trop rare au disque. Sa version impérieuse des Sonates op. 109 et 110 de Beethoven resta longtemps ma bible, son art de timbrer incomparable, hérité de Tobias Mathay, et une virtuosité sans affectation lui ouvrirent les portes d’un répertoire très large où les pièces brillantes abondaient, du moins dans sa jeunesse. Mais la guerre passée, elle décida de se consacrer à la grande littérature germanique, de Bach à Brahms, se limitant à une sélection de plus en plus drastique. C’est de cette ultime décantation dont témoignent les trois pleins CD thésaurisant des bandes enregistrées au cours de l’année 1949 à l’Université d’Illinois qu’APR réunit en un coffret parfaitement documenté– assorti d’un texte éclairant de Marshall Izen et de belles photographies. Mais attention, ces concerts sont modestement enregistrés, l’excitation légitime que le pianophile éprouvera devant la promesse de deux concertos de Mozart (Jeunehomme et 21) douchée par un orchestre vaillant mais frustre. Pourtant, la somme réserve des moments de plénitude certain, comme cette 4e Partita de Bach où tout est timbres – le piano de Myra Hess ne connaissait pas les marteaux, à l’égal de celui de Walter Gieseking -, ses Danses de Schubert égrenées avec un grâce de funambule, cette Sonate D 960 prise dans un tempo ailé, aux sonorités d’harpe éolienne, cette « Tempête » de Beethoven si claire de conduction, aux sfumatos saisissants. Ce portrait imparfait témoigne du bel automne de cette pianiste prodigieuse, dont l’art venait d’un autre âge (Discophilia – Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)