C.P.E. Bach : Bürgerkäpitanmusik 1780. Hochman.

En mouvement permanent comme flux et reflux sensuellement évoqués par Telemann dans sa « Wassermusik » composée pour le centenaire de l’Amirauté de Hambourg en 1723, la musique de son filleul et successeur Carl Philipp Emanuel Bach trouva dans la ville hanséatique matière à un renouvellement dont la dimension significative se conçoit aussi aisément que dans les cas de Mozart à Vienne et de Haydn à Londres. L’abondance de musique vocale caractérise la période hambourgeoise (1768-88) apaisant les tensions et balayant les restrictions subies à la cour de Berlin. Les festives « Kapitänsmusiken » de Telemann avaient de 1732 à 1765 accompagné tous les banquets annuels de la capitainerie de Hambourg qui veillait nuit et jour sur la ville. C.P.E. Bach ne fut pas sollicité avant 1780 (qu’a-t-on joué – si l’on a joué – les années précédentes ?) pour prendre la relève. Le compositeur dont la fantaisie et l’étrangeté des œuvres instrumentales pouvaient déconcerter ses contemporains ne rompt pas avec une certaine tradition incarnée par Telemann dans ces plus ou moins bien nommées « musiques de circonstances » (quelques premières mondiales chez cpo montrent le niveau qu’elles peuvent atteindre) : y est à nouveau adoptée la contextuelle succession oratorio sacré – sérénade profane, conservée la constante alternance récitatifs – airs que ponctuent des chœurs d’une beauté souvent supérieure, enfin, maintenue dans un registre accessible l’écriture dont la mélodie accompagnée était un fondement alors unanimement approuvé. La tension dramatique est chez C.P.E. Bach parfois davantage favorisée par le récitatif qui aura joué un rôle expressif original jusque dans certaines de ses œuvres instrumentales. Celui qui introduit le magnifique duo pour mezzo-soprano et contre-ténor « Zerttrümerte Städte ! » (« Villes détruites »), déploration des misères engendrées par les guerres, fait entrer l’oratorio dans une nouvelle sphère spirituelle délivrant l’auditeur de la rationalité qui dominait auparavant. Exact contemporain de Gluck, l’auteur des « Israélites dans le désert » fut de ceux qui reformulèrent un idéal de vérité à la hauteur de ce sujet d’inspiration qu’est la souffrance. (Pascal Edeline)