Feo : Passio secundum Joannem. Ghielmi.

Un disque comme on en entend rarement, tant l’équilibre entre la beauté de la musique et celle de l’interprétation est parfait. Au programme, une première mondiale, La Passion selon St-Jean du compositeur baroque espagnol Francesco Feo, qui donne ici, à travers les voix divines des chanteurs sous la direction de l’excellent Lorenzo Ghielmi, quelques unes des plus belles pages de musique qu’il vous ait été donné d’entendre. Magnifique packaging qui recèle à l’intérieur un véritable livre d’art !


Dans cette œuvre de 1744, Feo, compositeur napolitain, suit scrupuleusement le texte évangélique latin. L’instrumentation : un quatuor à cordes et continuo, comme le Stabat Mater de son ami Pergolèse, est d’une extrême économie. Le récit confié au contre-ténor ne souffre d’aucune monotonie. Écoutez le coq chanter après le troisième reniement de Pierre : l’amertume de l’apôtre tient dans la musique qui respecte la concision textuelle de l’évangéliste. Libérer Barabbas ? Entendez comme est chanté latro (brigand)! Pilate décide-t-il la flagellation, les cordes rythment les fouets qui s’abattent. Le chœur des soldats («Salut, roi des juifs!») est empreint de moquerie. Rien de commun avec la Passion selon Jean de Bach pourtant contemporaine. Ghielmi ponctue judicieusement le récit de trois brèves arias : sur la question sans réponse de Pilate «Qu’est-ce que la vérité?»; douleur après la mise en croix; enfin la Lamentation “O vos omnes” appelle compassion. L’œuvre s’achève dès la mort constatée par les soldats qui transpercent son côté. Le livret cartonné richement illustré à partir de chapelles du Rosaire du Mont Sacré de Varèse constitue l’écrin digne de cet enregistrement admirable. (Bruno Fargette)