Ernö von Dohnányi : Œuvres pour piano. Röhm.

A la différence de son compatriote et contemporain Bartók qui explore des voies nouvelles et forge son propre langage, Ernö von Dohnányi reste profondément attaché au post-romantisme, promenant jusqu’au milieu du vingtième siècle un héritage brahmsien parfaitement assumé. Pianiste, chef d’orchestre et pédagogue renommé (Annie Fischer, Géza Anda, György Cziffra, Georg Solti seront ses élèves), il laisse un catalogue d’une soixantaine d’œuvres dont un bon tiers dédié au piano. Pas de sonate au sein de ce corpus, toutefois les Quatre Rhapsodies (1903) parcourues par un thème récurrent, noble et épique, pourraient bien en constituer une : en effet, ce cycle ambitieux au geste large et au souffle puissant rappelle à bien des égards, notamment par son pianisme et ses dimensions, la Sonate en si de Liszt. Pensée telle une ballade romantique en dépit de sa formelle et rigoureuse organisation, la belle et dense Passacaille (1899) développe de manière habile et inventive trente-six variations tour à tour brillantes, lyriques, éloquentes, techniques ou chantantes. Sombres, burlesques et sarcastiques, les Trois Pièces Singulières (1951) comptent parmi les plus modernes de leur auteur : rythmes percussifs, harmonies instables, chromatismes et dissonances dominent ces courtes pages qui tranchent tardivement avec le reste de sa production. Narratif et inspiré, Daniel Röhm rend bien attrayant ce répertoire hongrois pourtant peu fréquenté. (Alexis Brodsky)