Britten : The rape of Lucretia. Conolly, Maltman, McVicar.

Rarement aura-t-on vu spectacle aussi intense, aussi haletant, aussi déchiré et déchirant, de la première à la dernière seconde. Une réussite totale, sur tous les plans. La mise en scène de David McVickar conserve l’opposition entre Romains stylisés (cuirasses, ceinturons, bottes, robes-tuniques) et commentateurs modernes, qui sied à un texte axé justement sur l’éternité du thème et ses résonances chrétiennes grâce à une interpénétration des temps qui doit être respectée : le Choeur-masculin et le Choeur-féminin sont, eux, en costumes actuels entièrement blancs. Ainsi, le décalage peut s’établir. Le jeu des acteurs est sublime, surtout les deux personnages-Choeurs, stupéfiants, J.-M. Ainsley, et O. Boylan, réellement “habités”, qui, de plus, assument une partition chantée très exigeante. Mais ce serait injuste pour Tarquin, (Ch. Maltman), hallucinant, pour Collatin, (C. Bailey), pour Lucrèce, (S. Connolly) et pour les deux servantes, elles aussi parfaites (C. Wyn-Rogers, M. Nelson). Tous les sentiments : passion, jalousie, perfidie, humanité, honte et douleur s’exacerbent, mais jamais forcés, transcendés par une musique fiévreuse, tour à tour heurtée – la chevauchée! – et tendre – good night ! . Toutes les voix se jouent des nombreuses difficultés avec un naturel confondant : chanteurs qui jouent, acteurs qui chantent ? On ne sait plus. On est subjugué. (Danielle Porte)