Premier émoi : Dux a fait appel aux meilleurs artistes de la célèbre école de graphisme polonaise pour les pochettes de cette luxueuse série consacrée à Witold Lutoslawski. On y admire d’emblée la conception générale : le goût, la sobriété, la classe. Musicalement, tout comme la précédente et prestigieuse édition Penderecki, divers orchestres, choeurs, chanteurs et solistes polonais se partagent la vedette. Un bref Lacrimosa, daté de 1937, témoignage d’un post romantisme fervent, tout à la fois exalté et recueilli, ouvre ce recueil de pièces pour choeur ou soliste et orchestre. Nécessité alors pour Lutoslawski d’intégrer la prosodie dans la conception de sa musique et recours à un poète français : Henri Michaux dans ses « Trois poêmes » de 1964. Notons comment le compositeur polonais s’approprie les mots de Michaux en travaillant brut le matériau musical de la même façon : « il le rague et le roupète jusqu’à son drâle – il le pratèle et le libucque lui barufle les ouillais – le manage rape à ri rape à ra – enfin il l’écorcobalisse ». Le texte n’est même plus audible tant il est intriqué dans une texture chorale et orchestrale d’une diversité inouïe. Les « Paroles tissées » composées pour Peter Pears, accompagnées d’un choix frugal d’instruments, permettent d’explorer diction et déclamation, offrant à ces poêmes naïfs et de moindre intérêt, un habillage surréaliste prenant. Le ténor polonais qui les interprète en français, s’en sort plutôt bien dans un style récitatif assez monodique. « Les espaces du sommeil » (1975) et « Chantefleur et Chantefables » (1990) sont basés sur des textes émouvants de Robert Desnos, mort au camp de Terezin. Hommage à une poésie toute en délicatesse. Débarrassé de tout curseur stylistique, Lutoslawski y puise une inspiration d’une pureté et d’une clairvoyance extraordinaire. La chanteuse y déploie un timbre intéressant mais qui sacrifie hélas parfois l’articulation. Un disque riche et essentiel dans lequel il sera salvateur de replonger. (Jérôme Angouillant)

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