Jean Françaix – 100. Edition spéciale 100e anniversaire.

L’humour, bien sûr. Mais aussi la tendresse et la profondeur. A réduire Jean Françaix à l’humour, comme on le fait encore trop souvent au sujet de Haydn (dont un thème fameux lui fournit matière), on obtient le même résultat : passer à côté de la substance de l’homme et refuser d’être convié à la découverte d’un monde aux couleurs chatoyantes et rencontres insoupçonnées. Fils spirituel de Poulenc, descendant d’âme de Chabrier, maniant comme eux la langue musicale avec clarté, pudeur, justesse, Jean Françaix ne cherchait pas à cultiver une profondeur qui ne soit liée à l’émotion, fruit de sa sincérité. Certains mouvements de ses concertos prouvent que la gravité et l’introspection n’étaient pas des notions étrangères au compositeur. Son étendue de registres était aussi remarquable que celle de ses choix instrumentaux. Pétillants, parfois féeriques, pleins d’ingéniosités et de jovialité, surtout lorsqu’ils s’acoquinent en bande, les vents n’ont cessé d’être présents. Françaix et les vents, bien sûr, mais pas seulement . Le phénomène du retour des instruments à cordes pincées dans le genre concerto au XXe siècle ne put échapper à un homme dont l’ouverture et la curiosité restèrent intactes toute sa vie. A l’instar du Concerto Champêtre de Poulenc, le concerto pour clavecin joué ici par l’auteur fait du neuf avec l’instrument ancien. De même, le concerto pour guitare va pousser sa liberté à défier tout repérage géographique et temporel. Seule compte la magie de l’instant. Et puis bien sûr le piano qui avec l’œuvre d’un enfant de dix ans inaugura 75 années de musique. Compositeur mais pas seulement. Jean Françaix, pianiste et interprète de ses œuvres (parfois secondé par sa fille Claude), une redécouverte essentielle qu’offre cet enregistrement ! Son jeu a la richesse précise des correspondances et des sonorités de la poésie. Il chante l’impalpable vie intime et secrète des choses que le temps préserve parfois. Une liberté sans amnésie ni autodafé alla Boulez lui permit le plus aimable dialogue, apaisé, décomplexé, avec des compositeurs du passé qu’il paya en retour de sa bienveillance sous forme de transcriptions, variations et hommages. L’ensemble des enregistrements rend justice aux multiples facettes d’un grand compositeur et permet de faire déborder du cadre de l’année passée le centenaire qu’on y célébrait. On peut sans hésiter attribuer à Jean Françaix cette faculté de Haydn dont Mozart (deux compositeurs “présents” dans la troisième partie du programme) fit l’éloge : “tout faire, provoquer le rire et la profonde émotion”. (Pascal Edeline)